• De l'absence...

    Les voitures passent et défilent. Les moteurs ronronnent et m’agacent. Mouvement obsédant et plein de désillusion. Mes yeux s’accrochent alors sur chaque métal noir et fouillent par la vitre, le visage du conducteur, calmement, sans y croire. Elle est lointaine, l’époque des dénouements extraordinaires. Ils m’ont formatés par leur cinéma, leurs romans, leurs histoires exaltantes et impossibles, leurs émotions qui provoquent quelques sourires face à l’écran, une lueur d’envie, la naïveté de se transposer. Cela n’existe pas, cela n’existe pas, n’est-ce pas ? Il est loin de ces véhicules anonymes, sa portière ne claquera plus dans ma rue quand bien même la mémoire n’efface pas le bruit des roulettes sur le trottoir, l’attente fébrile et torturée d’un retour, le doute, l’hésitation, le démarrage, la dernière vision. Il fallait crier, sauter par la fenêtre, peut-être, commettre l’extraordinaire. Et j’ai choisi la raison, la sécurité et la résignation. Les voitures passent et défilent si étrangères. J’attends encore au fil des heures pour croire jusqu’au dernier moment avant de comprendre au grès des jours la vérité. La réalité. Il y a ces expériences qui bouleversent à jamais. Cette sensation irrésistible que l’on brime en échange d’une souffrance plus grande encore, ces rêves faits pour ne jamais se réaliser. Je me retire, en réclusion. La vie sociale, ce n’était pas la solution. Je me retire loin, loin, et si proche, dans la dévotion silencieuse de son image. Il est, autour de moi, l’absent perpétuel, le désiré continuel, l’ombre et la lumière. Il est cette chemise noire, il est ce regard étrange, il est un départ. Il est encore sur ma peau, dans chaque élément, au travers d’un dessin, son fantôme et la guitare, derrière cette porte close, peut-être dans la rue même, quelque part, toujours ailleurs. Les voitures passent et filent, mais je n’en reconnais aucune. Monter dans l’une d’entre elle, dans la seule, et rouler jusqu’au bout du monde, jusqu’aux contrées imaginaires, jusqu’aux isolements voluptueux, au creux de tous les possibles, avec le vœu de l’indicible, épouser l’irrationnel, adorer le fusionnel. Zweisamkeit. Eternellement.

    (écrit le 18. 05. 10 - 15h)


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